La rencontre, les accordailles
« Mon fils Jean-Marie allait souvent au village de Pussac en Tresboeuf chez Jean-Marie Gaigeard, frère de mon second époux. Il connut ainsi la famille Perrin qui habitait le même village » (Julienne Brard)
Cherchant l’âme sœur mais « peu hardi et causant peu », Jean-Marie considère avec intérêt le conseil du fils Perrin : l’une des sœurs serait peut-être disposée….
L’idée fait son chemin. Un dimanche d’octobre 1901, après avoir avalé suffisamment de cidre pour y trouver courage, le voilà en route pour Pussac en compagnie des cousins Judais et Cabat. Trouver les formules de circonstance, l’amitié des Perrin et un peu d’assurance. Surtout devant Joséphine.
Le trio arrive à Pussac où les compères sont plutôt bien accueillis. Hélas, les convenances d’usage tournent court, Joséphine décline poliment, fait diversion : s’il y a bien ici un cœur à prendre, c’est celui de Clémentine. Laquelle sourit devant la tournure des évènements.
« Assis à la table, la tête entre les mains », Jean-Marie cogite en silence si bien que la mère s’impatiente : « S’il veut Clémentine, il n’a qu’à parler ! ». Il se lève, demande à réfléchir et prend congé.
Sur le chemin, Jean-Marie s’enflamme et d’un coup se décide. Pour sûr « Clémentine a meilleur cœur que sa sœur ». L’ami Cabat lui suggère de posément réfléchir, aller voir l’oncle Gaigeard « pour avoir des renseignements sur les Perrin avant de faire autres choses ».
Jean-Marie n’en fait qu’à sa tête. Retour chez les Perrin. Les accordailles sont arrêtées au mercredi suivant, on y causera des fiançailles.
Mariage précipité, ménage mal assorti
Du choix de sa fille, François Perrin s’en désintéresse parfaitement. « Je ne me suis pas occupé de ce mariage. Ma femme et ma fille ont fait ce qu’elles ont voulu ». D’ailleurs a-t-il son mot à dire ? « Comme on fait, cela lui conviendra » dira la mère.
Et le mardi 26 novembre 1901, jour de noces, Clémentine et Jean-Marie s’unissent pour la vie.
Dans l’assistance, les deux familles rongent leur frein, on ne s’apprécie guère. Tous peinent à entrevoir un avenir radieux pour ce ménage somme toute improvisé. Jean-Marie Gaigeard en particulier :
« Ce n’est pas une femme qui lui convient, tant à cause de son caractère qu’à cause de sa conduite. Je fais ainsi allusion à ses relations avec beaucoup de jeunes gens, relations que tout le monde connait. Il est sûr de porter des cornes et peut-être il lui arrivera quelque chose de plus désagréable encore ».
Le couple s’installe chez Jean-Marie au village de la Mennerie, à deux pas du domicile de sa mère, son beau-père François Gaigeard et leurs quatre enfants.
Les sentiments ?
« Quand je l’ai épousé, je ne le connaissais pas bien. Je l’avais épousé pour sortir de chez mes parents chez lesquels je ne me plaisais pas. Bretagne me plaisait, je l’aurai pris même sans fortune. J’aimais bien mieux mon mari que lui ne m’aimait. Je le croyais plus causant, il était sournois et ne me racontait pas ses affaires. Je ne commandais pas, c’était lui le maître de la maison. Je n’aimais pas mon mari »…
Très vite, des tensions détériorent les rapports entre les jeunes époux.
Ménage en perdition
« Au début de leur mariage, ils rendaient visite souvent aux parents, puis elle changea au bout de trois semaines vis-à-vis de nous. On voyait qu’il n’était pas heureux en ménage » (Rosalie Gaigeard, demi-sœur de Jean-Marie). « Ma femme ne veut pas me laisser venir chez vous » aurait-il confessé à ses proches.
Pour Clémentine, cette promiscuité avec ses beaux-parents devient de plus en plus pesante. « Sans ma belle-mère, j’aurais pu vivre en bons termes avec mon mari. Elle m’avait traité de garce ». Son frère confirme la déliquescence du ménage : « Clémentine est venu nous voir après son mariage, chaque fois elle pleurait à son départ sans nous indiquer la cause de ses larmes ».
« Il me faisait trop de misère. Le lundi soir et le mardi, il a été continuellement après moi, demandant si mes parents votaient pour les Blancs ou les Rouges. Il me reprochait ma famille, disait qu’elle ne valait pas la sienne, disant toujours que ma famille étaient des Chouans. Il n’allait pas tous les dimanches à la messe … »
De son côté, Jean-Marie ne cache plus sa désillusion : « Je voudrais bien être l’année dernière, je voudrais être encore garçon ».
L’année dernière… Tout le monde ou presque s’accordait sur la personnalité vive et enjouée de Clémentine. Belles qualités pour certains, masque redoutable pour d’autres.
Et Jean-Marie, ce « bon garçon qui n’avait pas son semblable dans le canton ». Un peu effacé, un taiseux à l’évidence. « Sournois » diraient les Perrin … et porté sur la bouteille.
Entre méfiance et estime mêlée d’affection. Entre alcoolisme notoire et sobriété incontestable.
À suivre…
Sources
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine : 2 U 321, Arrêts. Dossier de procédure Clémentine Perrin, 2 U 1321,
Illustrations / Crédits photos
L’Ouest Éclair, 21 février 1902. Source : Gallica.
Acte de mariage du 26 novembre 1901. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, Ercé -en-Lamée, État civil, mariage 1901, vue 10/11.
Liste de tirage au sort et de recrutement cantonal, classe 1895, arrondissement de Redon. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 R 756
Cadastre Tresboeuf 1811, Section H2., Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 3 P 5566.
Cadastre Ercée-en-Lamée 1837, Section H2. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine : 3 P 5335/1.
Laisser un commentaire