Retour au blog

3- L’empoisonneuse d’Ercé-en-Lamée. Faits divers et généalogie

Introduction

Clémentine, les origines Rose Perrin et François Perrin, parents de Clémentine portent le même patronyme…

Afficher le sommaire

1 titre LOUEST ECLAIR 2121902 GALLICA

Clémentine, les origines

Rose Perrin et François Perrin, parents de Clémentine portent le même patronyme et pour cause, leurs grands-pères paternels Pierre Perrin (1768-1849) et François Perrin (1768-1869) étaient jumeaux.

L’âge venu, les deux frères laboureurs quittent leur village de Pussac (Tresboeuf) mais sans s’aventurer hors de leur paroisse. Ensuite, retour aux sources à Pussac où leur descendance respective s’y retrouve. Voisins, cousins et bientôt époux, François et Rose Perrin sont-ils faits l’un pour l’autre ?

Leur fille Clémentine nait au Haut-Pussac le 9 aout 1879, cadette d’une fratrie de six enfants dont trois décèdent en bas-âge. Restent donc au foyer, Pierre le frère ainé, Joséphine et Clémentine…

2 domicile de la famillle perrin
Village du Haut-Pussac en Tresboeuf : chez les Perrin…

Contradictions

Si l’on en croit l’intarissable oncle Jean-Marie Gaigeard, les Perrin « paraissent être dans une situation aisée qui peut être évalué à quinze ou vingt mille francs ». Un sens particulier des affaires, un patrimoine âprement bâti.

Rose Perrin femme « pateline et méchante, aiguillonne son mari lorsqu’ils ont des ouvriers pour les faire marcher plus fort, de sorte que maintenant ils en trouvent difficilement.

Ils sont d’une avarice sordide et orgueilleuse au dernier point. Pour ces motifs, ils ne jouissent pas d’une très bonne réputation ».

Plusieurs, comme Marie Dubois ou François Peltier, ne suivent que très partiellement Jean-Marie Gaigeard dans ses affirmations.

« C’est sûr, les époux Perrin sont très avares mais à part cela, je ne pense pas qu’on ait quelque chose à leur reprocher et tout le monde a été bien surpris en apprenant le crime commis par leur fille ». 

François Peltier en bon voisin confirme que lui et les Perrin ont « toujours vécu en bonne intelligence ».

Pour Rose Perrin, c’est bien simple, « Malgré notre bonne réputation, la famille Gaigeard ne nous aime pas ».

Et Jean-Marie Gaigeard se plait à exposer son intime conviction. « Je ne puis pas dire que les parents sont complices de crimes commis par leur fille, mais il existe pour moi un doute à ce sujet ». 

Identité judiciaire

3 identite judiciaire

« Cheveux et sourcils châtains. Yeux marrons. Nez moyen. Bouche moyenne. Menton rond. Visage large. Teint coloré. 22 ans, cultivatrice. Sait lire et écrire. Catholique. Taille, 1, 46 mètre ».

Le pire comme le meilleur

« Clémentine Perrin paraissait d’un caractère franc et gai, mais au fond elle était méchante. Sa conduite en général était plus que médiocre et laissait à désirer sous les rapports de la moralité. Elle passait pour avoir des relations intimes avec le nommé Paris, actuellement soldat » (Jean-Marie Gaigeard)

Certes la jeune femme « était d’un caractère léger, exubérant en paroles, aimant à s’amuser. Elle agaçait son frère et sa sœur. Mais elle était aimée de tout le monde, nos voisins la préféraient à mes autres enfants, elle travaillait bien » (Rose Perrin)

 « Clémentine ne m’était pas très sympathique, elle parlait beaucoup et ne semblait pas avoir un caractère très commode » (Rosalie Gaigeard, demi-sœur de Jean-Marie Bretagne)

« Ma sœur parle volontiers et sait se tirer d’affaire, elle est entêtée. Peut-être pas très maline, écoutant plus facilement les étrangers que ses parents. Quelques fois on la réprimandait pour ses intempérances de langage » (Pierre Perrin, frère de Clémentine)

Eugène Hogrel, ami d’enfance, n’a « jamais entendu mal parler d’elle sur le rapport de la moralité. Elle avait une bonne conduite. Elle était d’un caractère gai et vif »

« Je n’aurais jamais cru qu’elle était capable d’accomplir un crime aussi horrible comme celui qu’elle a commis » (François Pelletier, voisin) 

L’oncle Gaigeard veut bien y croire …

« Jean-Marie se trouvait sous l’influence de la famille Perrin. Lorsqu’il a épousé Clémentine Perrin, je savais qu’il aurait été malheureux avec elle. Je ne serai pas surpris que dès le lendemain de son mariage, elle ait commencé à faire absorber des poisons à son mari ». 

Jean-Marie, les origines

Jean-Marie Bretagne nait au village du Fretay (Ercé-en-Lamée) le vendredi 21 mai 1875. Le 4 juillet suivant, son père Jean rédige son testament devant notaire et décède dans la nuit. 

Deux ans plus tard, sa mère Julienne Brard épouse François Gaigeard. Quatre enfants naissent du second lit. Jean-Marie, l’ainé de cette famille recomposée vivra là une enfance heureuse, « tous l’aimaient comme un fils et un frère ».

Au décès de son oncle André Bretagne décédé sans héritier direct, sa ferme de la Tricotière (Fercé, Loire-Atlantique) entre au patrimoine de Jean-Marie. Il en disposera à sa majorité comme aussi de la maison de la Mennerie héritée de son père.

Au printemps 1895, le conseil de révision le déclare impropre au service armé, exempté pour cause de « faiblesse générale ».

6 1 R 756 tirage au sort
Jean-Marie Bretagne, numéro 175 sur la liste du tirage au sort, arrondissement de Redon, classe 1895.
7 OKDOMICILE JM
Voisinage et promiscuité au village de la Mennerie, Ercé-en-Lamée.

En 1901, Jean-Marie investit, arrondi son patrimoine : une maison à la Mennerie, un peu de terre au même village. Un beau parti, un « bon garçon » et un cœur à prendre.

Le meilleur comme le pire

« Un enfant l’aurait battu, il ne se serait pas défendu » (Jean-Baptiste Gicquel).

Auguste Guinefort connait Jean-Marie depuis l’enfance. C’était « un garçon calme, timide, un rude ouvrier, jamais il ne se plaignait. Dans la famille Gaigeard, tous l’aimaient comme un fils et un frère. Son beau-père porte beaucoup d’intérêt à son beau-fils qu’il a élevé depuis l’âge de deux ans. La mère semble lui porter beaucoup d’affection ». 

« Jean était un bon garçon pouvant rendre une femme heureuse. Pour moi et beaucoup d’autres, il n’avait pas son semblable dans le canton » (Jean-Marie Cabat)

« J’ai connu Jean-Marie tout enfant car il n’a jamais quitté le village. C’était un bon petit garçon qui n’a jamais fait de mal à personne. Il n’était pas hardi, causait peu, il fallait le faire parler » (Perrine Barbot).

Les Perrin confirment : « il n’était pas très débrouillard ».

Pour Rose, ce gendre n’a rien d’idéal :

« Chaque fois qu’il était venu à la maison, il était ivre, il nous dégoutait. Bretagne ne nous plaisait guère, ni à Joséphine ni à moi. Il ne se mettait à causer que lorsqu’on le poussait. Il n’était pas recherché des jeunes filles ». 

Devant le juge d’instruction, Pierre Perrin enfoncera le clou sans se faire prier :

« Étant donnée sa timidité, peut-être buvait-il pour se donner un peu de hardiesse. Après son mariage, je l’ai vu souvent pris de boisson ».

Petite musique lancinante, véritable poison instillé par les litanies du père Perrin, « Bretagne ne sait pas s’occuper de ses affaires et prendre la défense de ses intérêts »…

Sources 

Archives départementales d’Ille-et-Vilaine : 2 U 321, Arrêts. 2 U 1321, Dossier de procedure Clémentine Perrin

Illustrations / Crédits photos

L’Ouest Éclair, 21 février 1902. Source : Gallica.

Acte de mariage du 26 novembre 1901. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, Ercé -en-Lamée, État civil, mariage 1901, vue 10/11.

Liste de tirage au sort et de recrutement cantonal, classe 1895, arrondissement de Redon. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 R 756

Cadastre Tresboeuf 1811, Section H2., Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 3 P 5566.

Cadastre Ercée-en-Lamée 1837, Section H2. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine : 3 P 5335/1.

Partager l'article