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7- L’empoisonneuse d’Ercé-en-Lamée. Faits divers et Généalogie

Introduction

Les Assises Le jeudi 7 aout 1902 s’ouvre le procès de Clémentine Perrin aux Assises…

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Les Assises

Le jeudi 7 aout 1902 s’ouvre le procès de Clémentine Perrin aux Assises du département d’Ille-et-Vilaine.

palais justice
Rennes, le Palais de Justice. Ancien Parlement de Bretagne.
salle assises rennes
Palais de Justice de Rennes, la Cour d’Assises.

Seul le procès-verbal des délibérations, morne chronologie du déroulement de l’audience, sera versé au dossier. Les débats sont par contre abondamment commentés par la presse qui s’en régale…

Assises 1

« Une foule énorme envahit les couloirs et les abords de la salle des Assises. Malheureusement il n’y a pas de place pour tout le monde et bien des envieux restent à la porte.  Clémentine Perrin, entre deux gendarmes, vient s’asseoir sur le banc des accusés. Son entrée excite un vif mouvement de curiosité. 

Portant plus que son âge, petite, assez forte Clémentine Perrin est vêtue tout en noir et coiffée d’une polka. Au bout d’une demi-heure, malade, on est obligé de suspendre l’audience pour lui donner un réconfortant. Pendant la lecture de l’acte d’accusation Clémentine Perrin, sanglote très haut.

Le président procède à l’interrogatoire de l’accusée (…). « Tachez de vous calmer. Écoutez bien ce que je vais vous dire et répondez à mes questions. Cela est très important pour vous ».

L’accusée qui est malade depuis un certain temps est devenu pale, livide et tremble, ne peut plus répondre au long interrogatoire que Monsieur le Président lui fait subir. Aussi l’audience est suspendue pendant cinq minutes.

On apporte à l’accusée un peu de réconfortant, un verre de vin et un biscuit. Son défenseur s’entretient avec elle. Clémentine Perrin, qui tremble de plus en plus, ne répond plus que par signe, sa voix trop faible ne parvient pas aux oreilles du jury.

Vendredi 8 aout, second et dernier jour d’audience.

« La foule était encore plus considérable que lors de l’audience de la veille. On peut évaluer à plus de mille cinq cent personnes le nombre de curieux venu pour assister au débat de cette grosse affaire.  Un important service d’ordre est organisé, des barrages sont installés dans les couloirs même du palais. Dans la salle, beaucoup de dames sont venues pour la voir. 

À douze heures quinze, l’empoisonneuse est introduite dans la salle. Il est impossible de voir son visage qu’elle cache avec son mouchoir. Elle s’affaisse sur le banc des accusés. Jusqu’au verdict, elle gardera la même attitude ».

Réquisitoire du Ministère public.

« L’Avocat général prend la parole à seize heures et démontre que le mobile du crime n’a été que l’intérêt. Il raconte les épouvantables symptômes de l’empoisonnement et termine dans une éloquente péroraison en demandant au jury de refuser les circonstances atténuantes ».

Plaidoirie de la défense.

« Monsieur Grazais du barreau de Redon est assis au banc de la défense. Avec un talent digne des meilleures causes, l’honorable avocat qui a assumé la lourde tâche de défendre l’accusée, prononce une plaidoirie pleine de tact et d’habilité et réussit à sauver la tête de sa cliente ».

Vendredi 8 aout. À l’issue des délibérations, le Président du jury rend le verdict :

« Clémentine Perrin est reconnue coupable d’avoir volontairement attenté à la vie de Jean-Marie Eugène Bretagne par l’effet de substances pouvant donner la mort plus ou moins promptement. Tout coupable d’assassinat, de parricide et d’empoisonnement sera puni de mort ».

Les jurés lui reconnaissent toutefois des circonstances atténuantes. La Cour condamne Clémentine Perrin « à la peine des travaux forcés à perpétuité et aux frais de procès », la déclare « indigne de succéder à Jean-Marie Eugène Bretagne ». Le public semble apprécier… Clémentine « s’affaisse sur son banc, les gendarmes sont obligés de l’emporter ».

la liberte 10 aout 1902

11 aout. Le pourvoi est rejeté le 4 septembre par la Cour de cassation réunie au Palais de justice de Paris. 

8 septembre. Clémentine est transférée à la « Maison centrale de force et de correction » de Rennes, elle y restera jusqu’à son transfert à la Maison Centrale de Montpellier le 5 décembre 1906. Le Code pénal accorde aux femmes, l’imbecillitas sexus, des circonstances atténuantes en raison d’un discernement naturellement diminué et de leur faiblesse intellectuelle (c’est du moins la conviction des législateurs). Pour ces raisons, les femmes condamnées aux travaux forcés purgent leur peine dans les Maisons Centrales et non dans les arsenaux de la Marine ou autres bagnes sordides…

maison centrale
« Jusqu’au dix-neuvième siècle, il n’existait en France aucune prison spécifique destinée aux femmes. Ces dernières se trouvaient dans des prisons d’hommes, incarcérées dans des conditions épouvantables d’hygiène et de promiscuité. En 1860, Napoléon III décide d’établir un centre réservé uniquement aux femmes. Ce sera Rennes, en Bretagne.
Conçu pour accueillir de lourdes peines venues de toute la France, l’établissement est édifié en pleine campagne à côté de la ville sur le plateau de Beaumont ».

20 octobre. Le juge de paix du canton de Bain-de-Bretagne demande à confirmer la révocation de la donation. Clémentine Perrin déclarée « interdite légalement ».

12 novembre. Le Tribunal civil de Redon prononce la révocation de la donation du 20 janvier 1902 « pour cause d’ingratitude ».

20 janvier 1905. François Gaigeard déclare la succession de son beau-fils Jean-Marie Eugène Bretagne auprès de l’administration fiscale. Julienne Brard hérite comme convenu du quart des biens de son fils. La part de la succession échue à Clémentine est attribuée à ses demi-frères et sœurs.

5 décembre 1906. Clémentine est transférée à la maison centrale de Montpellier (Hérault).

Ursulinesmontpellier
Maison centrale de Montpellier. Ancien couvent des Ursulines converti en prison pour femmes en 1825 puis prison militaire en 1934.

29 juin 1908. Demande de remise de peine rejetée. Le procureur général « estime que cette femme doit subir entièrement sa peine et ne doit jamais être graciée. Je prie, Messieurs les avocats généraux de donner un avis défavorable à tout recours en grâce sur lequel nous serions appelées à donner notre avis tant que je serai le chef du parquet de Rennes. »

Il faut croire que le procureur général succédant au « chef du Parquet de Rennes », éprouve plus de compassion que son prédécesseur. Le 20 janvier 1911, la perpétuité est commuée en vingt ans de travaux forcés, assortie de vingt ans d’interdiction de séjour.

8 janvier 1913. Nouvel avis défavorable à un recours en grâce.

23 juin 1917. Demande de mise en liberté conditionnelle. Avis défavorable.

8 octobre 1917. Proposition de libération conditionnelle refusée par la Cour d’Appel de Rennes.

16 juillet 1918. Même refus, le Garde des sceaux a bien conscience que la condamnée « continue à donner toute satisfaction par sa conduite, son travail et son attitude générale. D’autre part, cette détenue aura terminé sa peine, le 15 février 1922 ».

Deux ans plus tard, le 22 juillet 1918 la Direction de l’administration pénitentiaire confirmation un nouvel avis défavorable. Le procureur « estime que par l’octroi de circonstances atténuantes et par la mesure gracieuse dont elle a ensuite été l’objet, la veuve Bretagne a déjà bénéficié de la plus grande indulgence et qu’aujourd’hui elle doit subir intégralement sa peine.

22 juillet 1920 : Courrier du Garde des sceaux au Procureur général à Rennes, nouvelle demande de remise de peine. Le 2 aout suivant, la demande est rejetée.

26 mai 1921 : Le garde des sceaux « estime qu’il ne convient pas de lui accorder une nouvelle faveur ».

Sa peine purgée, Clémentine Perrin alors âgée quarante-trois ans, est libérée le 15 février 1922.


Sources :

Archives départementales d’Ille-et-Vilaine : 2 U 1321, dossier de procédure, Clémentine Perrin.

Crédits :

Articles de presse, Gallica.

La Chronique de Redon, 16 aout 1902. La Liberté du 10 aout 1902.

Cour d’assise de Rennes. Généanet. https://www.creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/deed.fr

Palais de Justice de Rennes. archivesrennes. https://www.creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/deed.fr

Maison Centrale de Rennes. archivesrennes. https://www.creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/deed.fr

Maison centrale de Rennes, texte légende : prison-rennes.e-monsite.com.

Maison centrale de Montpellier. archivesmontpellier.https://creativecommons.org/licenses/by/2.5/

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