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5- L’empoisonneuse d’Ercé-en-Lamée. Faits divers et généalogie.

Introduction

« C’est parce que je me suis fâchée que j’ai ramassé des racines » Le mercredi…

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« C’est parce que je me suis fâchée que j’ai ramassé des racines »

Le mercredi précédant son passage à l’acte, Clémentine croise le chemin d’un mystérieux « chineur ». Un étrange personnage « que je voyais pour la première fois et que je n’ai pas revu. Il m’a demandé la charité. Il était de grande taille avec une grande barbe et paraissait assez jeune ».

Alors Clémentine se laisse aller et se confie. Le chineur, mauvais génie, lui parle de ces racines aux pouvoirs extraordinaires, mais qui laissent les mains jaunes…

Le lendemain de la donation, mardi 21 janvier, « j’ai demandé à mon mari combien avait couté les pierres pour le pavage de la maison. Il ne répondit pas, il ne me racontait jamais ses comptes ». L’accumulation de petites dettes, chez le cordonnier, le maçon, le boucher, le tailleur, le marchand de draps et d’autres encore peut-être, perturbe Clémentine.

Allant chercher des choux, chemin faisant, « l’idée d’empoisonner mon mari me vint. Je voulais rester seule. Moi, je lui disais tout de mes comptes, lui ne me disait rien. Il n’était pas un mauvais homme quand il n’était pas pris de boisson. Depuis notre mariage, il s’était enivré quatre fois, m’avait battu une fois la veille du premier de l’an en rentrant de Bain. Il m’avait repoussé une autre fois, le lendemain le jour du premier de l’an. C’est tout ce que j’ai à lui reprocher. C’est alors que j’ai pensé à prendre du pinpin dont je connaissais les vertus malfaisantes. Je savais que c’était du poison ». 

En milieu de matinée le mardi 21 janvier, Clémentine rentre chez elle, elle y trouve son mari, prépare le repas. Les jeunes époux ont une « discussion » qui échauffe les esprits et chacun de son côté retourne à son labeur. Clémentine rentre en milieu d’après-midi et prépare la « bouillure ».

« Vers les quatre à cinq heures de l’après-midi, j’ai fait bouillir une bonne poignée de pinpins dans de l’eau, le liquide était blanc et n’avait pas d’odeur. 

Vers six ou sept heures mon mari m’ayant demandé à boire, je suis allé chercher du cidre dans un bol et comme il m’incitait à couper le cidre avec de l’eau, j’ai versé dans le cidre dix cuillères à bouche de la décoction que j’avais faite. Il a bu le mélange ».

Sept heures et demie du soir, le souper. « Il a bien mangé, en ne se plaignant pas. Nous avons mangé de la soupe au beurre tous les deux dans la même assiette ou plutôt chacun dans notre écuelle puis de la poule cuite à la casserole. Chacun découpait à sa guise et mangeait sur son pain, nous avons bu du cidre.

Cinq minutes après la fin du repas mon mari s’est mis à travailler. Il était à fendre de l’osier et se plaignit d’avoir mal aux côtés. Assis sur une chaise, il est tombé tout à coup à terre sur la tête. Là il me fait peine. Il tomba sans connaissance.

Dès que je l’ai vu à terre, j’ai appelé à l’aide. Je ne pensais pas que les effets de la bouillure se serait produit aussi vite, que le poison produirait un effet de cette nature. Mon mari paraissait beaucoup souffrir. C’est ce qui me fait peur.

Il était huit heures. J’ai appelé. Le fils Giquel est arrivé avec d’autres. Je ne sais combien ils étaient ces gens. Ils l’ont relevé et couché. Il a repris connaissance, je ne crois pas qu’il ait vomi avant l’arrivée du docteur qui est venu un certain temps après sur la demande de mon beau-père. Le médecin arrive et lui donne des remèdes. Le sommeil est venu. Mon mari a dormi, le lendemain il s’est levé, il est venu aux champs avec moi ».

Le matin du vendredi 24 janvier, nouvelle dispute au sujet de la viande du repas de noce impayée. « Mon mari me répond que cela ne la regardait pas et se mit à rigoler. Cela me fâchât, nous devions partout, même le pain.

Le vendredi vers dix heures, après avoir mangé ensemble, mon mari m’a demandé un bol de bouillon pur. J’en ai pris dans un bol, je l’ai versé dans un plus petit bol et cela fait, j’ai versé une seconde fois dans un bol qui contenait le reste de la décoction de pinpin du mardi. Il n’y avait pas eu moins d’infusion que la première fois ».

Ce jour-là, Constant Allais surprend Clémentine dans le bas de son pré, ramassant des racines « parce que le reste de la décoction de mardi n’était pas suffisant pour l’empoisonner ». 

« Mon mari est allé chez sa mère, il y a eu une nouvelle crise à midi, il est tombé. Je ne sais pas s’il a perdu connaissance car j’étais chez moi à traire mes bestiaux. Sa demi-sœur est venue me chercher. Je me suis rendu immédiatement auprès de lui, il avait sa connaissance et il était couché dans un lit. On me demande la potion dont il se servait, j’allais la chercher. Je ne sais pourquoi, je lui ai donné du pinpin une seconde fois.

Le juge d’instruction : « À ce moment vous connaissiez l’effet du poison. Vous n’aviez pas craint de le voir souffrir à nouveau ?  Et Clémentine ne trouve rien à répondre…

« Il coucha chez ses parents et reviens le lendemain à la maison vers les onze heures du matin », habillé et reconduit par son beau-frère Pierre Perrin. La jeune femme, point « raccordée » avec son mari, lui fait boire un bol de bouillon versé dans le reste de la veille « qu’elle savait empoisonné ». 

« Je l’ai soigné le dimanche. Le lundi vers dix heures du soir, le dernier jour, il mourrait ».

« Elle nous faisait pitié et paraissait plus malade que son mari »

Tour à tour abattue, véhémente, indifférente, le comportement de Clémentine interpelle les visiteurs.

« La femme criait et se lamentait disant ‘’Mon homme est mort ! Mon bonhomme, mon pauvre bonhomme, moi qui l’aimais tant ! » . On fut obligé de lui dire d’aller se coucher. Ce qu’elle fit. Elle s’étendit toute habillée sur un lit mais continua de crier. Elle témoignait d’un grand chagrin »

Dr Brands : « la femme me parut très timide, répondant à peine à mes questions, par monosyllabes, baissait la tête, jetait un regard furtif. Je la jugeais peu intelligente ». Jeanne Etienne, voisine et ménagère à la Mennerie, remarquait qu’elle « regardait peu son mari et ne s’occupait guère de lui. Elle mettait son mouchoir sur la figure et faisait semblant de pleurer. Je ne l’ai pas vu verser une larme. J’ai pensé qu’elle jouait la comédie, d’ailleurs c’est le dire de tout le village »

Clémentine : « Le vendredi, mon mari est tombé malade chez sa mère. J’ai encore pleuré ce jour-là car il souffrait trop. Cela me faisait de la peine. C’est pour ça que je pleurais, je pensais que le pinpin l’aurait empoisonné lentement. Je ne pensais pas le faire tant souffrir, ce n’était pas pour tromper le monde que je me lamentais ainsi. Je n’ai point joué la comédie ».

Sources :

Archives départementales d’Ille-et-Vilaine : 2 U 1321, dossier de procédure, Clémentine Perrin

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